Jusqu'à ses derniers jours et jusque sur son lit de mort, grand'père garda sa joie de vivre, la finesse de son ouïe et de son esprit, il conserva toute sa lucidité.
Sur un dernier baiser, il s'en fut allègrement vers son éternité.
Finis les chants de sa mandoline, les farces et les jeux où nous l'avions pour infatigable partenaire,
le pittoresque de sa personne, de ses vêtements, le sautillement de sa démarche, comme une danse autour de l'inséparable bâton qui lui servait de canne,
muets son langage et les langues qu'il utilisait pour s'exprimer oralement ou par écrit en un subtil mélange de grammaire de syntaxes et de vocabulaires, ses éclats de rire et ses colères subites motivées parfois par des faits vieux de plusieurs semaines, sa désarmante familiarité avec Dieu dont il était l'infatigable serviteur...
Tout cela venait d'être englouti avec un bruit sourd dans sa tombe où disparaissait avec lui un âge de l'histoire de son peuple.
A. Chouraqui