" La gravité de notre vie était faite de notre solitude. J'ai passionnément aimé mon Algérie natale, son ciel de feu, ses vignobles, sa terre rouge, épaisse fertile, ses cactus et son azur, ses oliviers et le cri des chacals, la nuit, sa mer toute proche, ma Méditerranée, infiniment présente, nourricière.
Des heures entières je nageais dans ses eaux ou m'offrais sur ses plages aux brûlures de son soleil.
Ses rives, ses genêts, la variété de sa flore et de sa faune, ses aurores et ses crépuscules n'ont cessé d'inspirer et d'exalter mon adolescence.
Je ne me suis jamais lassé de ses paysages comme de sa culture et de ses traditions, celles des peuples qui l'occupèrent dont je lisais l'histoire sur les pierres de nos campagnes....
Victor Hugo a écrit :
J'entends le vent dans l'air, la mer sur le récif,
Le nom est plus réel que la personne ou l'objet qu'il désigne.
La table sur laquelle nous écrivons n'a pas toujours eu l'apparence de ce que nous voyons.
Un microscope nous enseignerait, sur la réalité éphémère, ce que nos yeux ne savent pas déceler.
Elle était un ensemble de planches et antérieurement un chêne qui devait étaler ses frondaisons sur quelque sommet...
Demain elle pourra brûler et devenir un petit tas de cendres. Demeure le nom qu'elle porte : une table.
Ainsi en est-il de tout homme.
Du jour de notre naissance à celui de notre mort, un même nom désigne la multitude des êtres humains qui nous habitent : un bébé vagissant, un enfant aux yeux de lynx et au front têtu, un malade sur son lit ;
un étudiant...un descendant de Vercingétorix !
Nous n'avons pas un seul mais de multiples visages : celui de la personne âgée, du nourrisson, des rires, des colères, des peurs, tristesses, joies, souffrances, nos allégresses...nos nuits, nos jours...
SUR CE JE VOUS SOUHAITE DE TOUT COEUR UN TRES BON WEEK-END !
"Par une journée de fort sirocco, lorsque le vent du sud soufflait, sablonneux et brûlant, l'atmosphère de la ville et plus spécialement de l'école en était tout électrisée.
Un jeudi à 16 h après les classes, je rentrais tranquillement chez moi, lorsque soudain, je fus pris en chasse par une volée d'enfants qui m'assaillirent à coup de cartable sur la tête me réclamant de l'argent.
Seul, je n'avais pour tout recours que la fuite. Je courais de toute la force de mes jambes dont ce devait être l'ultime et misérable exploit sportif.
J'arrivai chez nous grelottant de peur et de fièvre.
Appelé à mon chevet le docteur tranquillisa mes parents :
- Cet enfant souffre de frayeur et d'une forte grippe....
Il me fit garder mon lit en me donnant quelques calmants, mais la grippe dégénéra rapidement en paralysie. Diagnostique : la poliomyélite aiguë.
J'étais devenu une pauvre chose au fond d'un lit. Seuls mes yeux vivaient. Dans les nuits je continuais à jouer aux billes avec les étoiles ou, de jour, à danser sur le crâne du soleil, en attendant de m'y évanouir...
Lorsque je pus sortir de mon lit, je constatais que je ne tenais plus sur mes pieds. Le virus avait paralysé les muscles de ma jambe gauche qui pendait inutile au bout de mon corps ; le bras droit était également atteint...finie l'école !
Ma convalescence me priva une année durant de toute scolarité....
En période de tension mon père m'enseignait que la sagesse, si l'on était jeté dans une fosse aux lions, serait de s'entendre avec les fauves.
" Pendant 7 ans, je fus prisonnier des murs de pierres peintes en ocre et en rouge de notre lycée, où le seul espace de liberté se trouvait dans les cours de récréation.
La délicieuse liberté dont je jouissais au sein de ma famille avait fait place du jour au lendemain, à une discipline de fer, au rythme impératif d'un tambour napoléonien qui donnait, dès six heures du matin,
le signal de notre réveil, puis des cours ou de nos repas..avant de nous renvoyer au son d'un ultime roulement, au fond de nos lits, dans d'immenses dortoirs au milieu desquels s'élevait la lugubre silhouette d'un lit à colonnes posé sur une estrade et caché par des tentures, sous lesquelles sévissait un tout puissant surveillant
notre geôlier.
Au-dessus de lui, jusqu'au censeur et au proviseur, il y avait toute la hiérarchie, en guerre constante avec l'intenable bande de voyous indisciplinés qu'elle avait pour impossible mission de civiliser...
Néanmoins nous avons tous présentés nos bachots en 1934 et 1935
A. Chouraqui poursuit :
Sept années d'études intensives avaient introduit dans nos cerveaux davantage que des connaissances, un instrument intellectuel, une méthode de travail qui me servira tout au long de ma vie...